HEX de Thomas Olde Heuvelt




Résumé de l'éditeur: Bienvenue à Black Spring, charmante petite ville américaine. Mais ce ne sont pas que les apparences: Black Spring est hantée par une sorcière dont les yeux et la bouche sont cousus. Elle rôde dans les rues et entre chez les gens à sa guise. Les habitants s'y sont tant habitués qu'il leur arrive d'oublier sa présence. Ou la menace qu'elle représente. Car chacun sait ce qui leur arrivera s'ils la touchent ou écoutent ses chuchotements. Et si la vérité sort de son enceinte, la ville entière disparaitra. Pour empêcher la malédiction de se propager, ses habitants ont développé des stratagèmes et des techniques de pointe. Mais un groupe d'adolescents décide de braver les règles et les interdits, et plonge Black Spring dans un atroce cauchemar...

Éditeur: Le Livre de Poche

Nombre de pages: 550


Ce livre, je l'ai découvert grâce à booktube. Et très honnêtement, à partir du moment où les mots "sorcière" et "malédiction" ont été donné, il n'en a pas fallu beaucoup plus pour que je garde ce titre en tête. Comme d'habitude, les semaines passent tranquillement jusqu'à ce que je les trouve dans les rayons d'une librairie. Ni une ni deux, je l'achète et l'entame (pas tout de suite après, on s'en doute) et au départ, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

En bonne Étrangère (personne vivant hors de Black Spring) et surtout, en sécurité, je découvre une petite bourgade tranquille où les habitants semblent mener une vie tout aussi tranquille, rythmée par les apparitions de Katherine, une femme qui décidément, n'a vraiment pas eu une belle fin (comme toutes les filles accusées de sorcellerie au XVIIIe me diras-tu). Les yeux et la bouche de cette dernière étant cousus, le seul risque réel encouru par les habitants était qu'elle soit découverte par quelqu'un de l'extérieur (à moins de la toucher ou de s'éloigner trop longtemps de la ville, auquel cas ils meurent).

Et puis, ce qui devait arriver arriva: un groupe de jeunes décident de braver les interdits. Et là, les ennuis commencent. Et pour le lecteur attentif, l'ennui commence. Car malgré un début plus que prometteur et une histoire passionnante, l'auteur m'a perdue. Arrivée à la fin du livre, j'étais juste soulagée de l'avoir fini, bien contente de quitter certains éléments dérangeants.

Pourquoi? Au fur et à mesure de l'avancée de l'histoire, l'ambiance s'alourdit et ressemble de plus en plus à un huis-clos. Les gens savent qu'ils ne peuvent aller nulle part sans risquer de se suicider (ce qui arrive inévitablement si tu quittes trop longtemps la ville). Ils restent donc en ville, sur le qui-vive, la peur au ventre de la voir sortir de sa torpeur. Il y a évidemment ceux qui se font le plus petit possible, ceux qui tout d'un coup deviennent des fanatiques religieux, ceux qui vouent un culte à la sorcière pour se garder de sa colère et les rationnels (qui perdent peu à peu la raison justement).

Pourtant, ce n'est toujours pas là que se situe mon problème. Bien au contraire, voir un large éventail de personnes qui gèrent la pression chacun à leur manière fait monter le stress pour le lecteur et donne presque envie de toi-même te rendre sur place régler le problème.

Si tu ne veux pas te faire spoiler, je te conseille d'arrêter ta lecture ici. Pour les autres, je vous retrouve plus bas.


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Le premier problème s'est posé assez rapidement. L'histoire se passe donc au même moment que la réelection d'Obama (soit en 2012). Il faut aussi savoir que la ville dispose de tout le confort moderne, y compris la télévision et internet. Maintenant, parlons d'islamophobie. Qu'une habitante de Black Spring soit mal informée des moeurs musulmanes, je m'en moque. Qu'elle prenne les musulmans pour des barbares passe moins. Mais alors, que le moment où le climax est atteint, qu'on tente de ramener les gens à la raison en disant des trucs du style "rappelez-vous chers concitoyens nous sommes des gens civilisés et ne suivons pas la charia"... C'est limite.

Mais ça ne s'arrête pas là parce qu'en plus d'être rappelé à plusieurs reprises, on finit par apprendre que la folie passagère des habitants est du fait de Katherine. Plusieurs éléments le prouvent:
- des gens estimés agissent contre le comportement qu'on attend d'eux et semblent avoir perdu toute capacité à avoir un raisonnement logique;
- la peine appliquée aux jeunes est tirée du décret de Black Spring (qui date de 1860 et des miettes) et consiste en plusieurs coups de fouet sur la place publique;
- les habitants sont obligés d'y assister, accompagner des leurs enfants âgés de plus de dix ans;
- le bourreau n'est clairement plus lui-même et un des suppliciés à la conviction qu'il a laissé place à un authentique bourreau de l'époque.

Bref, les preuves se multiplient.

" Soudain, chacun su avec une certitude absolue que la sorcière les avait manipulés, qu'avec son chuchotement impie, elle était parvenue, d'une façon ou d'une autre, à réveiller chez eux les pires instincts, dans le cadre de quelque plan diabolique. " (p. 378)
 
Jusqu'au moment où certains habitants osent regarder la sorcière et constatent qu'elle n'est en réalité pas responsable du désastre et que, si elle exerce une influence sur eux, elle ne va certainement pas jusqu'à les encourager à s'entretuer.

Et le paragraphe d'après, on explique à nouveau que c'est à cause d'elle. En d'autres termes, on ne sait pas si on a perdu son temps parce que sans son influence et ses manigances, rien ne se serait produit ou si elle n'était elle même qu'une victime dans toute cette histoire. Bref, la limite entre le début et la limite de son influence reste floue, le seul élément à notre disposition étant que nous n'en savons pas plus que les protagonistes qui ne savent rien.

Rajoutons à ça que le seul représentant de la minorité musulmane dont on entend parler (et dont le fils fait partie de fauteurs de troubles mais ça c'est du détail) propose de "construire des ponts entre les cultures et de passer outre les différences ethniques" et "parla avec un fort accent" (p.364). Et quand est-ce qu'il fait cette proposition? Eh bien quand son fils est sur le point d'être condamné! Peut-on me dire quel être humain capable de réfléchir et de faire des liens logiques proposerait lors d'un jugement populaire (parce que oui pas de vraie justice à Black Spring) de comprendre sa culture autour d'un bon thé à la menthe? Il n'y a aucun lien entre les deux points!

Tout ça pour en venir à dire que l'auteur compare l'Islam avec l'influence très XVIIIe que Katherine impose aux habitants pour se venger. Et comme si le parallèle entre les deux n'était pas assez flagrant, penses-tu que l'Islam soit mentionné une seule fois en dehors de ce moment précis du récit? Eh bien non. Quant à la scène apocalyptique de la fin... évidemment qu'en la voyant apparaitre, tous les habitants se prosternent comme des musulmans à la Mecque! Bref, on comprend que l'auteur est un islamophobe confirmé. On aurait même l'impression que tout ce livre ne servirait qu'à montrer que tous les musulmans ne sont en vérité que des ouailles sorties tout droit du XVIIIe à qui il serait bon de donner un bonne leçon de modernité (entre autre).

Et le clou du spectacle... L'homophobie. À un moment donné, un personnage découvre que son frère est gay. Comment la situation est gérée? Eh bien le type se dit qu'il aime décidément trop son frère pour relever la chose. N'est-il plutôt pas en train de se voiler la face? À quel moment laisse-t-on un enfant regarder ce genre de chose? N'aurait-il pas été plus logique qu'il ait une réaction - n'importe laquelle - plutôt que de risquer de dire quelque chose parce que c'était un site pour les homosexuels?

Quant à l'abus de pouvoir des hommes qui se croient tout permis sous couvert de "protection de la population", ils étaient à vomir. Que ce soit pour passer à tabac un gamin en état d'arrestation qui ne bronche pas, obtenir ce qu'ils veulent en se permettant de pincer douloureusement le sein d'une mère, j'ai l'impression que bien peu d'horreurs sont épargnées au lecteur.

Et la fin... tout ce que je peux en dire est qu'elle n'est pas la bonne. Tout simplement parce qu'elle est mal amenée. Parce qu'il nous manque trop d'éléments pour comprendre la sorcière, son histoire et ses besoins. Parce qu'au final, il est plutôt difficile de comprends pourquoi les gens réagissent comme ils le font. À la limite, il faudrait même aller jusqu'à se faire nous-même tout une histoire pour comprendre les motivations de la sorcière, l'étendue de son pouvoir et jusqu'où elle a réellement été.

Pour conclure, je dirais que si ce livre avait énormément de potentiel, le tout a été gâché par le besoin de l'auteur de craché sur les minorités et la justification inutile de toutes les galères mises sur le dos de la sorcière. L'histoire aurait été bien plus intéressante si les habitants devenaient fous par la présence même et la crainte qu'elle inspire et non par son influence.

En d'autres termes: bonne idée mais mauvaise gestion de l'histoire. Pour toutes ces raisons, mais également parce que je crois sincèrement qu'un autre auteur aurait mieux fait ça, je ne conseille pas ce livre.


Sur ce, bonnes lectures,
L'écureuil.

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